La rééducation oro-maxillo-faciale dans les protocoles chirurgico-orthodontiques
Par Thierry Gouzland, M.Fournier
Résumé
La rééducation oro-maxillo-faciale bien qu’ancienne se développe réellement ces dernières années, par un travail de recherche et par l’intégration des kinésithérapeutes dans des équipes pluridisciplinaires comme dans le cas des protocoles chirurgico-orthodontiques. En parallèle, les progrès réalisés ces vingt dernières années en chirurgie orthognathique et en orthodontie amènent de plus en plus de patients à se faire opérer. Le traitement pré-opératoire est basé sur une évaluation précoce et une préparation afin d’obtenir des conditions chirurgicales optimales sur les plans musculaire et fonctionnel. La courte période d’hospitalisation riche en rééducation est bien protocolisée.
Durant la phase post-opératoire, les objectifs sont une harmonie musculo-articulaire, l’acceptation du nouveau visage et l’automatisation des corrections des dispraxies oro-faciales, acquises en rééducation myo-fonctionnelle. Le lien permanent entre les différents praticiens de l’équipe pluridisciplinaire est à souligner. L’intérêt du suivi physiothérapique sera illustré par une étude menée sur trente-cinq cas chirurgicaux de type ostéotomies maxillo-mandibulaires avec une préparation et un suivi orthodontique. L’objet est d’étudier la survenue des tensions musculaires sous-occipitales et cervicales ainsi que celles des muscles masticateurs en post-opératoire. Nous verrons alors l’importance de ces manifestations, l’impact sur la récupération, sur la posture et l’intérêt de les traiter.
Mots-clés
Kinésithérapie, chirurgie orthognathique, orthodontie, rééducation oro-myo-fonctionnelle, muscles, posture
Introduction
Les progrès techniques et les résultats obtenus par la chirurgie orthognathique couplée à l’orthodontie permettent de résoudre les problèmes fonctionnels et esthétiques des patients atteints de dysmorphoses faciales ou de troubles occlusaux majeurs. Ils bénéficient d’une chirurgie moins invasive, avec des délais raccourcis et des suites opératoires beaucoup plus fonctionnelles et confortables. Cela s’inscrit dans le contexte social actuel où l’image de soi est de plus en plus importante. Il existe également pour beaucoup une recherche de bien-être, d’équilibre physique, qui passe par l’équilibre occlusal et l’harmonie des tensions musculaires. De plus en plus de patients se dirigent donc vers la chirurgie.
Place de la rééducation
Au cours de la croissance faciale, la corrélation entre forme et fonction est connue et reconnue[22,25,28]. Cette croissance faciale se fait sous l’influence de facteurs génétiques prédéterminés mais aussi pigénétiques acquis. Il existe une concomitance entre le développement de la face et la mise en place des fonctions oro-faciales. La structure permet le déroulement de la fonction et la fonction va alors modeler la structure. Une bonne dynamique fonctionnelle permet une morphologie harmonieuse. De la même façon, dysfonctions et para-fonctions contribuent au développement de dysmorphoses…
Les équipes ortho-chirurgicales se coordonnent avec des plans de traitements précis afin de créer une nouvelle architecture et de restaurer une occlusion dento-dentaire idéale. L’équilibre occlusal et l’alignement dentaire recherchés sont liés à l’équilibre musculaire et l’harmonie fonctionnelle oro-faciale[13]. Mais sans correction des dyspraxies oro-faciales, le risque de retarder le traitement, voire d’aboutir à une récidive, augmente[10,12]. Le kinésithérapeute spécialiste en rééducation oro-maxillo-faciale trouve alors sa place au sein de l’équipe pluridisciplinaire. La connaissance des techniques et des compétences de chacun ainsi que la communication au sein de l’équipe sont primordiales pour la qualité du résultat et pour continuer à optimiser la prise en charge.
Kinésithérapie
La définition officielle datant de 1946 présentait la profession comme paramédicale axée sur le massage. Elle est devenue totalement obsolète avec les années et surtout en décalage avec l’évolution du champ de compétence, des techniques et de la médecine en général. C’est en 2015 qu’une nouvelle définition est adoptée par l’Assemblée nationale. Les termes de prévention, promotion de la santé, diagnostic et recherche universitaire apparaissent, mais surtout : « traitement des troubles du mouvement et des déficiences ou altérations des capacités fonctionnelles », ce qui correspond au traitement de la sphère oro-faciale. Le professionnel, suite à un bilan diagnostique, a le libre choix et la responsabilité de ses actes et de ses gestes techniques.
Rééducation oro-myo-fonctionnelle
Comme pour toute chirurgie orthopédique, une prise en charge rééducative apporte des suites opératoires confortables en termes de gestion de la douleur, de délais et de qualité de vie. Cependant la spécificité de la région céphalique nécessite une formation spécifique. La face, vitale pour l’homme, est un site fonctionnel important – ventilation, mastication, déglutition, phonation, émotions – et est en lien avec la posture générale. Une fonction, une dysfonction ou une parafonction auront une répercussion sur cet équilibre fonctionnel. Même si cela fait partie de notre champ de compétences et de la nomenclature professionnelle, il est nécessaire d’acquérir des compétences particulières en termes d’anatomie, de physiopathologie et de techniques. Tout ceci vient s’ajouter aux compétences de thérapie manuelle et de vision globale du patient, propres au kinésithérapeute. Bien que l’intérêt pour cette spécialité se développe, seule une toute petite portion des kinésithérapeutes sont formés. La rééducation oro-myo-fonctionnelle (myofunctional therapy des Anglo-Saxons) porte souvent en France le nom de rééducation linguale. Ce terme paraît assez réducteur sachant que nous nous intéressons en effet aux praxies linguales mais aussi aux peauciers de la face, aux muscles masticateurs, aux articulations temporo-mandibulaires (ATM)… Il s’agit donc d’une vision assez fonctionnelle de la spécialité maxillo-faciale. Elle trouve ses origines en France avec M. Fournier[10] dans les années soixante. Après l’obtention de son diplôme, M. Fournier fait la connaissance du Pr. Delaire, chirurgien maxillo-facial. Sa problématique était la gestion de la langue dans les récidives orthodontiques ou chirurgicales. Avec le soutien du Pr. Delaire et avec les années, elle a développé ce concept et cette manière d’aborder la thérapeutique. En parallèle, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, aux États-Unis, Straub et Garliner développent leur travail d’exercices faciaux en partant des défauts de prononciation.
Physiologie
Les connaissances physiologiques permettent de mieux comprendre le mécanisme de cette rééducation. Sur la composante musculaire, il va s’agir de recréer un équilibre fonctionnel entre la musculature agoniste et antagoniste. Sur des muscles hypotoniques, un renforcement musculaire est effectué, bien décrit par Guimaraes[14]. Il est de type isométrique (sans mouvement) ou isotonique (avec mouvement). Un mouvement isotonique est dit concentrique si le muscle se raccourcit ou excentrique si le muscle s’étire. Il est alors freinateur du mouvement. Cela permet de bien choisir le type d’exercice suivant la fonction ou le mode d’action du muscle traité. Sur des muscles contracturés, spasmés, hypertoniques, il faut obtenir un relâchement musculaire. Cela peut se réaliser en thérapie manuelle avec des techniques décrites par Alvarado[2]. Nous pouvons également faire appel à des techniques de la relaxation du type training autogène de Schultz cité par Girard et Leroux[13] mais également par Alvarado[1]. Ce type de technique est également efficace sur le sevrage de certaines parafonctions, telles que le bruxisme…
En ce qui concerne le côté fonctionnel, il faut reprogrammer des fonctions erronées et surtout les automatiser. Cette capacité d’acquisition ou de modification de nouveaux patterns moteurs s’explique par la plasticité neuronale du cerveau. Moeller et Paskay[25] ont édicté quelques règles concernant ce processus. Tout d’abord, il faut se servir régulièrement d’une fonction sinon la représentation somato-corticale de ces muscles se réduit. Il faut beaucoup la répéter pour qu’elle s’intègre, être le plus spécifique possible, la ressentir, augmenter l’intensité et maintenir le travail sur le long terme. Elles parlent également de transférence : lorsqu’une fonction s’automatise, d’autres qui lui sont liées s’améliorent. Mais aussi d’interférence, qui est une forme de réminiscence du mouvement erroné qui continue encore à se déclencher malgré la correction fonctionnelle. C’est donc par tous ces modes d’action que la kinésithérapie contribue à une harmonie fonctionnelle au cours du traitement orthodontique et à stabiliser les résultats chirurgicaux obtenus.
Phase post-opératoire
Une fois la décision de chirurgie orthognathique prise après concertation entre orthodontiste et chirurgien, le plan de traitement se met en place. L’orthodontiste cherche alors à aligner les arcades dentaires en anticipant le futur geste d’ostéotomie sur les bases osseuses. L’objectif de la rééducation va être de participer à la préparation du patient (fig. 1), tant sur le plan musculo-articulaire que fonctionnel. L’organisation du traitement se fait suite à un bilan initial[4] . Le chirurgien demande une évaluation des praxies oro-faciales afin d’évaluer l’importance de la dysfonction et les risques post-opératoires. Cependant l’orthodontiste peut solliciter le kinésithérapeute beaucoup plus précocement s’il juge qu’un patient présente un tableau dysfonctionnel pouvant interférer avec son traitement. Cette phase durant en moyenne dix-huit mois, le début de la rééducation peut donc être variable durant cette période. Nous notons qu’une évaluation précoce permet de mieux s’organiser dans le temps. Cela évite d’avoir, par exemple, une préparation importante à réaliser en urgence un mois avant la chirurgie. Inversement, en cas d’évaluation favorable, la rééducation débutera tardivement, peu de temps avant l’hospitalisation.
Bilan, diagnostic
L’évaluation des différentes fonctions oro-faciales ainsi que le bilan musculo-squelettique permettent de mettre en évidence la nécessité ou non d’une rééducation préchirurgicale, de s’organiser dans le temps et d’orienter notre stratégie thérapeutique propre à chaque patient. La prise de conscience de dysfonctions lors des tests est la base de toute correction.
Posture de repos linguale
De toutes les praxies, l’élément principal est la position de repos linguale décrite par Fournier[10]. La différence de pression enregistrée par Engelke[8] dans la zone sous-palatine permet alors un véritable repos de l’apex de langue sans effort sur les papilles palatines rétro-incisives. En fonction des dysmorphoses, des positions caractéristiques sont retrouvées[11] : dans les classes II division 2, apex posé sur le plancher buccal ou sur les incisives inférieures avec les deux tiers postérieurs plaqués sur le palais. Dans les classes III, on la trouve basse, étalée sur le plancher buccal (fig. 2). Dans les béances, elle est en interposition entre les arcades dentaires. Codifié par Marchesan[23], l’examen du frein lingual permet la mise en évidence d’une éventuelle brièveté. Il est fréquent de retrouver des langues présentant un volume important de type fausse macroglossie relative, avec un rapport contenant-contenu faussé. Bien que plus rares, des cas d’immaturité linguale peuvent être facilement identifiés : patients qui n’ont ni proprioception endobuccale, ni conscience de la mobilité linguale.
Ventilation
Souvent dénommée à tort respiration, la ventilation est le mouvement des flux gazeux. Elle doit être naso-nasale aussi bien diurne que nocturne, au repos et à l’effort plus ou moins intense. Une ventilation mixte ou buccale exclusive est fréquemment rencontrée (fig. 3a), autant liée à la dysmorphose qu’à la mauvaise habitude. Elle est non physiologique, acquise, pathologique. F. Susanibar[31] décrit une série très complète d’évaluations de la mécanique ventilatoire. Nous rajouterons le test fonctionnel de Rosenthal[29], ainsi que le test de dyssynergie narinaire de Gudin. Nous sommes en accord avec Susanibar[31] qui préconise de réaliser le score de Mallampati modifié (fig. 4), langue non tirée, afin d’obtenir une inspection la plus naturelle possible de l’espace disponible dans la cavité orale. Tout autre signe en faveur de ronflement, de bavage nocturne, de sécheresse buccale… est recherché.
Fonction labiale
L’analyse de la position labiale spontanée et l’évaluation de l’orbiculaire des lèvres permettent de mettre en évidence une éventuelle incompétence labiale. Une lèvre inférieure hypotonique peut s’accompagner d’une supérieure rétractée, d’un sillon mentonnier marqué voire d’une contraction involontaire du mentalis dans les syncinésies labio-mentonnières (fig. 3b).
Déglutition
La fonction de déglutition est intimement liée à la position de repos de la langue. Le mouvement péristaltique lingual antéro-postérieur doit se faire sans contraction parasite des muscles peauciers de la face ou compensatrice des muscles du cou. En présence d’une déglutition dysfonctionnelle, il peut y avoir une aspiration labiale et jugale de salive, une pulsion linguale sur les dents voire même inter-arcade. Il y a souvent une dyssynergie associée des muscles masticateurs qui ne stabilisent plus la mandibule en position d’intercuspidation maximale. La pression alors exercée, près de 1 500 fois par jour, sur les dents est importante et peut être une cause de récidive.
Phonation
La phonation aussi est en relation avec la posture linguale de repos. Normalement, il n’y a pas de contact entre la langue et les dents. Sur les palatales, nous devons observer une ascension linguale proche des papilles palatines rétro-incisives, non pas sur les dents. Lors des sifflantes et chuintantes erronées, nous pouvons observer une pulsion inter-arcade. La pression exercée est peu contraignante sur les dents mais il est important de s’y intéresser de par l’inter-relation des différentes fonctions sur le plan du bilan mais aussi du traitement.
Figure 3 : a) Ventilation buccale ou mixte. b) Syncinésie labio-mentonnière : contraction mentonnière réflexe lors de la fermeture labiale volontaire.
Figure 4 : Score de Mallampati modifié. a) Score 1 avec empreinte dentaire sur les bords latéraux de la langue. b) Score 4 avec palais ogival.
Parafonctions
Elles peuvent être à l’origine de tensions musculaires excessives, voire d’une dysfonction temporo-mandibulaire (DTM), mais également entretenir un schéma dysfonctionnel des praxies oro-faciales. Nous noterons l’onycho, la labio ou la jugophagie, la succion digitale, le têtage de langue et la mastication excessive de chewing-gum. Le bruxisme centré (clenching) ou excentré (grinding) (fig. 5) peut engendrer des suites opératoires très compliquées. Ces mauvaises habitudes sont nombreuses et souvent retrouvées dans des situations de stress socioprofessionnel. La prise de conscience, la mise en place de schémas moteurs corrigés et la pratique de relaxation permettent de réduire leur survenue et leur intensité.
Système musculo-squelettique
La cinématique des ATM est analysée quantitativement et qualitativement. L’amplitude des différents mouvements est mesurée. Nous recherchons la présence de latéro-déviation, de bruits articulaires ou de douleur. La palpation des muscles masticateurs et des abaisseurs de la mandibule permet de mettre en évidence d’éventuelles contractures musculaires. La présence d’une DTM préalable, peut rendre la compliance au traitement plus difficile. La prise en charge de la dysfonction améliore le confort durant
l’orthodontie. Le relâchement des tensions musculaires facilite le travail du chirurgien et permet de mieux tolérer les suites opératoires.
Posture
Une analyse posturale est réalisée. Nous verrons plus loin les différents liens anatomiques, neurologiques et fonctionnels entre l’appareil manducateur et la posture tout d’abord cervicale mais aussi globale du patient. Cette analyse se fait en morphostatique et si possible sur plateforme posturodynamique.
Rééducation
Au terme du bilan, si le patient semble équilibré, une simple consultation pré-opératoire tardive peut suffire, même si les changements morphologiques entraîneront toujours un travail post-opératoire. En fonction des items mis en évidence au cours de l’évaluation, le plan de traitement est mis en place en coordination avec les autres membres de l’équipe. Certains patients ont auparavant bénéficié d’une rééducation kinésithérapique ou orthophonique durant l’adolescence. Ces patients connaissent déjà les critères de bon fonctionnement mais ne sont pas automatisés. Il sera alors un peu plus difficile de les analyser et de les faire travailler.
Il s’agit alors de réaliser une prise de conscience de la région et des différentes structures concernées, mais aussi des dysfonctions. Le patient qui comprend et ressent, participera plus activement et intégrera plus facilement les éléments de manière automatique. Dans les cas de classe III, il faut réaliser un travail du recul lingual. Dans les cas de classe II, ce sera plutôt un travail de musculation de l’apex et de relâchement du dos de langue (fig. 6). Dans les cas de béances, il faut travailler sur le schéma moteur de la langue pour qu’elle arrête de s’interposer afin de faciliter le travail de l’orthodontiste (fig. 7). Aucune automatisation linguale n’est possible en cas de dysmorphose importante[37] car le changement architectural modifie la proprioception endobuccale. La validation se fait alors en post-opératoire. La récupération d’une ventilation nasale amène un certain confort post-chirurgical à cause du blocage intermaxillaire et permet de prévenir une récidive sur le long terme. Si le motif principal de la chirurgie est la présence d’un syndrome d’apnée hypopnée du sommeil (SAHOS), ce travail est de toute première importance. Si nécessaire, il faut corriger la ventilation abdomino-diaphragmatique et favoriser l’hygiène nasale. En cas de SAHOS, il est également réalisé un travail de la zone rétro-basi-linguale ainsi qu’un renforcement vélaire (fig. 8). Nous procédons à une réharmonisation musculaire pré-opératoire et à une normalisation, dans la mesure du possible, de la cinématique mandibulaire. Techniquement, il s’agit de massages plus ou moins profonds, endo- et exo-buccaux ainsi qu’un lever de tensions sur les trigger-points. Un travail de relâchement par étirement voire contracté-relâché des tensions musculaires est réalisé. Les antagonistes hypotoniques peuvent être renforcés. Il ne faut pas oublier, s’il y a lieu, la gestion des parafonctions.
Figure 6 : Exemple d’exercice de renforcement progressif de l’apex lingual. a) Mauvaise position, pointe hypotonique, dos et base de langue hypertonique : la langue s’écrase. b) Langue en bonne position, la pointe se tonifie : le patient s’aide de l’orbiculaire des lèvres.
Figure 7 : Langue venant s’insinuer dans la béance latérale lors de la phonation, de la déglutition mais aussi au repos.
Consultation pré-opératoire
Si une seule consultation doit être réalisée pour des raisons logistique, organisationnelle ou autre, cela doit être celle-ci. Elle permet une préparation psychologique en informant au maximum le patient sur les suites opératoires : œdèmes, blocage intermaxillaire, alimentation, hygiène nasale… Nous réalisons alors un enseignement et une prise de conscience de la position linguale de repos. Un travail ventilatoire est réalisé ainsi qu’un lever de tensions musculaires.
Phase d’hospitalisation
Après les mois de préparation, arrive l’intervention chirurgicale, moment tant attendu, et parfois un peu redouté par les patients. L’acte chirurgical va modifier de façon radicale la morphologie de la face et de la « boîte à langue ». Cela correspond à l’aboutissement du travail préparatoire effectué par l’orthodontiste et le kinésithérapeute. À cette étape, nous utilisons de nouvelles techniques avec de nouveaux objectifs. Cette période qui dure en moyenne trois jours est riche en soins prodigués et en informations apportées. La rééducation débute alors sur un patient alité, plus ou moins œdémacié et avec une musculature oro-faciale partiellement sidérée. Il est porteur d’un blocage intermaxillaire par élastiques sur bagues et crochets préparés par l’orthodontiste spécialement pour la chirurgie. Plus rarement, cela peut se faire sur mini-vis d’ancrage. Les arcades dentaires sont également calées dans une gouttière réalisée au préalable. Le but de la rééducation durant cette phase est de rendre les suites opératoires aussi confortables que possible pour le patient, et de ramener une fonctionnalité prudente mais précoce afin d’alléger et d’écourter la durée du traitement. La fin de cette phase est conditionnée par l’autonomisation du patient dans la gestion de son traitement.
Respiration
Le premier axe d’intervention du kinésithérapeute est respiratoire. Un encombrement bronchique post-opératoire immédiat peut nécessiter une intervention précoce, en SSPI (salle de surveillance postinterventionnelle) ou en chambre. Ces cas de figure sont heureusement rares. Le chirurgien ou l’anesthésiste nous sollicitent alors pour des patients très encombrés (tabagiques…). Dans la majeure partie des cas, les signes de gêne respiratoire sont plutôt liés à la sensation d’oppression et de manque d’air causée par le blocage élastique et la congestion nasale quand une ostéotomie maxillaire a été réalisée. Ce phénomène est majoré sur les patients respirateurs buccaux. Les mucosités nasales et le sang s’écoulent postérieurement dans le naso-pharynx. Certains patients par sidération ou par inhibition limitent leur déglutition salivaire. L’ensemble vient créer un amas glaireux dans le fond de la gorge qui vient alourdir le tableau. La kinésithérapie respiratoire consiste alors à réaliser des manœuvres de ventilation dirigée si nécessaire, associées à du drainage bronchique. Nous pouvons recourir à une broncho-aspiration ou simplement une aspiration buccale. L’apprentissage de lavage de nez au sérum physiologique permet une libération progressive des VAS (voies aériennes supérieures), le mouchage étant interdit pour éviter tout risque de saignement et d’emphysème sous-cutané. Il est alors capital de redonner les consignes de positionnement lingual de repos dans la nouvelle cavité buccale. Les repères proprioceptifs ayant changé, le réflexe premier est souvent de venir poser la partie antérieure de la langue vers le bas sur les dents et de relever la partie rétro-basi-linguale qui vient elle aussi réduire la filière respiratoire. Le fait de relâcher la base de la langue contribue à libérer le carrefour aéro-digestif et redonne une meilleure sensation pour pouvoir déglutir et communiquer. Remonter l’apex de langue dès le réveil des sensations endo-buccales permet de venir explorer la nouvelle morphologie et d’intégrer dès le départ une bonne proprioception et un bon réflexe. Si les mauvaises praxies se réinstallent dans le nouveau schéma, la suite du traitement sera plus complexe et longue. Il est préférable de profiter de la perte de repère pour repartir sur de bonnes bases. L’ouverture buccale étant bloquée, cet exercice important se fait simplement sous direction verbale, sans contrôle visuel.
Article complet disponible sur le site http://odf.edpsciences.org ou http://dx.doi.org/10.1051/odf/2015044
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